La restitution des œuvres culturelles pillées par la France lors de la colonisation est effective. Vingt-six (26) œuvres des trésors royaux d’Abomey gardées en France depuis 1892, ont été réceptionnées ce mercredi 10 novembre 2021, au Palais de la Marina à Cotonou. C’est le premier épisode d’une longue série de restitution des biens patrimoniaux aux pays africains à qui le Bénin vient de montrer le chemin.
Que d’émotions à la cérémonie officielle de réception de ces œuvres. C’est un moment de fierté nationale pour les Béninois de tous âges et de toutes les origines notamment, les familles royales qui n’ont pas voulu se faire compter cet évènement historique.
Après la signature de l’accord de transfert de la propriété des œuvres au Bénin qui s’est tenue le 09 novembre dernier au Palais de l’Elysée, en présence des présidents béninois Patrice Talon et français Emmanuel Macron, les 26 œuvres pillées au Bénin puis offertes par le Général Alfred Dodds au musée du Quai Branly Jacques Chirac ont été convoyées au Bénin par vol Boeing 737 alors qu’il sonnait 15h, heure de Cotonou. Un vol spécialement affrété par le gouvernement béninois qui s’est immobilisé sur le tarmac de l’aéroport de Cotonou à la grande satisfaction d’autorités et du personnel de manutention.
Les premières caisses contenant les œuvres se font visibles en présence du ministre des Affaires étrangères et de la Coopération, Aurélien Agbénonci et de son homologue en charge de la Culture, Jean-Michel Abimbola. Les opérations de manutention vont durer un peu plus d’une heure sous le regard avisé d’experts commis à l’œuvre par le gouvernement. Pendant ce temps, le Ministre en charge des affaires étrangères se prête aux questions des professionnels des médias.
Aurélien Agbénonchi, très ému, soutient que c’est un moment important de notre histoire. « Il y a de l’émotion, le sentiment d’un travail bien accompli, le résultat d’un processus conduit avec tact, dextérité, une diplomatie fine et une sensibilité à la chose culturelle », a laissé entendre le Ministre Agbenonci avant de rendre hommage aux acteurs principaux de ce processus que sont les présidents Patrice Talon et Emmanuel Macron. « Il y a des instants qui changent le cours des choses dans l’histoire d’une nation et cet instant que nous vivons, restera gravé parce que plus d’un siècle après la soustraction de ces biens, ils reviennent avec des symboliques très fortes », conclut-il. Jean-Michel Abimbola, pour sa part, n’est pas étonné de l’engouement autour de ce patrimoine aujourd’hui commun à l’humanité. « Nous entrons aujourd’hui dans une nouvelle époque. Une nouvelle page de l’histoire de la coopération entre la France et le Bénin et le départ d’une politique patrimoniale et culturelle. Les œuvres sont ici aujourd’hui et c’est une renaissance culturelle pour le Bénin. Ce que nous vivons sans nous en rendre compte, ce sont des moments historiques ».
Émouvants hommages au Palais de la Marina
De l'aéroport international Cardinal Bernadin Gantin jusqu'à la Présidence de la République, le convoi exceptionnel transportant les œuvres a fait le chemin avec une grande liesse populaire qui exprimait son émotion et sa joie en ce moment par les danses traditionnelles de notre pays.
A la présidence de la République, les 26 trésors royaux du Bénin ont été accueillis dans une liesse populaire à travers une cérémonie d’hommage qui s’est déroulée dans les jardins de la présidence, en présence du chef de l’Etat, Patrice Talon. Quelque deux cents personnalités y ont été conviées. Présidents d’institutions de la République, membres du Gouvernement, députés à l’Assemblée nationale, rois et familles royales, acteurs politiques de tous bords, et en invités spéciaux les deux universitaires Bénédicte Savoy et Felwine Sarr, à qui Emmanuel Macron avait confié les opérations de vastes consultations ayant abouti au rapport sur des possibilités de restitution d’œuvres aux anciennes colonies. C’est donc devant ce parterre de personnalités que le rituel d’accueil républicain des œuvres a été exécuté avec des coups de canon. La caisse contenant le trône du roi Ghézo, le plus emblématique des trésors, a été sortie du camion pour une exposition. Moment de recueillement et de vives émotions ponctuées d'honneurs militaires avec l'exécution de l'hymne national. Puis place à la fête de fierté nationale avec l’exécution des danses royales : le conservatoire des danses royales d’Abomey, le ballet national et une troupe d’enfants ont, tout à tour, sous le regard admiratif du président de la République, présenté un tableau de Houngan, de Tèkè, Adjogan puis l’hymne national en langue locale Fongbé.
Avant le retrait du trône des lieux, le Ministre en charge de la Culture, Jean-Michel Abimbola a indiqué, dans une brève intervention que c’est « un jour de gloire pour la culture béninoise, un jour de liesse pour le peuple béninois ». Son souhait, c’est de voir ces œuvres patrimoniales dialoguer avec des œuvres contemporaines. Mais avant, a annoncé le ministre, ces trésors, pour des raisons d’acclimatation, passeront deux mois dans leurs caisses avant d’être exposés pour une période de 3 mois, dans les locaux de la présidence. Ils seront par la suite transportés au Fort Portugais à Ouidah pour trois ans d’exposition dans la maison du Gouverneur. Cela, le temps de finaliser et de rendre opérationnel le musée de l’épopée des Amazones et des rois du Danhomè à Abomey.
Et puis un autre moment de frissons pour l'assistance : l'adresse du président Patrice Talon. Le chef de l'Etat a exposé le symbole qui doit entourer ces trésors royaux. Il les présente comme des biens appartenant à la nation toute entière et exclut toute appropriation de courants religieux. « Chacun sera libre d’établir avec ces objets le lien qui lui plaira. Ces œuvres ne revêtent aucun caractère religieux pour la République », indique-t-il. Ces trésors constituent, d’après les propos du Chef de l'État, « une synthèse harmonieuse de ce que nous avons été et de ce que nous sommes ». Il a invité chaque Béninois à y trouver une fierté nationale. Pour ce qui est des autres biens du pays non encore restitués, il reste optimiste qu’ils seront restitués, comptant sur la dynamique de coopération dans laquelle les deux pays sont engagés.
Cette journée historique s'achève mais déjà la suite pour un Bénin définitivement révélé est déjà dans les esprits.